RETOUR

Restaurants : Guerre en Ukraine se répercute sur l'addition

par webmaster le 14-04-2022

 Restaurants : Guerre en Ukraine se répercute sur l'addition

Depuis plusieurs semaines, les professionnels des CHR sont confrontés à une hausse considérable de leurs coûts fixes. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine ont ainsi des répercussions concrètes sur les frais d'exploitation. En bout de chaîne, l'addition présentée aux clients est, elle aussi, en hausse.

11 Avr. 2022 par MICKAËL ROLLAND – L’Auvergnat de Paris – A LA UNE.

De la fourche à la fourchette. Une formule consacrée qui illustre à merveille la façon dont un produit peut transiter du producteur au restaurateur pour finir sa course dans l'assiette du consommateur. Un adage qui peut aussi s'appliquer aux prix. « Les charges ont augmenté à cause de la hausse des prix des métaux, du bois, des palettes, du carton, de l'électricité, de l'eau, etc. En résumé, tout ce dont nous avons besoin pour produire des pommes », déplore Alexandre Prot, le P-DG des Vergers de Sennevières, dans l'Oise. L'exploitant était invité le 29 mars par le Leaders Club, un réseau rassemblant des entrepreneurs de la restauration, afin de s'exprimer sur l'inflation. Le Leaders Club se réunissait ce jour-là pour réagir à des hausses tous azimuts. Thème de la soirée : « Face à l'augmentation des matières premières, des salaires, des loyers et la demande croissante de produits de meilleure qualité, comment faire accepter au client la revalorisation du prix de vente ? » À l'instar de ce producteur de pommes qui fournit notamment les CHR, les restaurateurs sont frappés par l'envolée de leurs frais d'exploitation. Du poisson à la viande, en passant par l'huile, le beurre ou les œufs, toutes les matières premières sont concernées. « Comme l'avait résumé le président du GNI Didier Chenet, nous sommes à la croisée de deux crises. La crise sanitaire et maintenant la guerre en Ukraine qui engendre l'augmentation du prix des matières premières et de l'énergie. Dans le même temps, nous avons augmenté les salaires », s'alarme Franck Trouet, directeur général du GNI.

In fine, ce sont les clients qui vont devoir s'acquitter d'une addition plus chère que par le passé. Les résultats d'un sondage diligenté par le GNI, et dont les réponses ont été analysées par le cabinet CHD Expert, sont éloquents. Sur 228 répondants principalement franciliens, « la quasi-totalité des restaurateurs du panel » a déjà augmenté ses prix ou a prévu de le faire dans les mois à venir. « Depuis la reprise, le ticket moyen a grimpé, en particulier en fin d'année 2021, explique Nicolas Nouchi, directeur insight chez CHD Expert. Ce n'était pas le fruit d'une augmentation tarifaire mais de la saturation du panier moyen d'un consommateur qui avait envie d'en découdre et de se lâcher après la crise sanitaire. Aujourd'hui, il y a une augmentation des prix du côté des restaurateurs et les clients vont devoir y faire face. »

« Si demain vous montez vos prix, il faudra trouver quelque chose pour faire passer la pilule aux clients. »

Selon les sondés, la principale raison de cette hausse des tarifications est avant tout l'explosion des coûts des matières premières et de l'énergie. Si l'on s'attarde sur l'incidence du phénomène, les répondants estiment qu'ils vont devoir renoncer à certains recrutements ou passer par une réduction des achats. « Dans les mesures évoquées par les restaurateurs pour faire face au problème, ils sont nombreux à répondre qu'ils vont diminuer les portions afin de réduire le coût matière », souligne Nicolas Nouchi. Toutefois, ce dernier propose différentes possibilités, comme augmenter le coût des boissons. Il suggère aussi de miser sur la premiumisation de l'offre culinaire et des produits présentés aux clients : « Si demain vous décidez de monter vos prix, il faudra trouver quelque chose pour faire passer la pilule aux consommateurs. Cela peut passer par le service et la manière d'accueillir les clients. »

« L'évolution des charges est une vraie question »

Benoît Ribeiro, directeur financier du groupe Gérard Joulie (qui détient notamment trois bouillons Chartier et emploie 650 salariés), est, lui aussi, en première ligne pour répondre à la hausse massive des différents coûts, dont ceux des salaires, qui représentent en moyenne cinq points à l'échelle du groupe. « L'évolution des charges est une vraie question, car le coût matière chez nous est stratosphérique. Nous devons composer avec un accroissement des prix de la viande ou des liquides. Les vins de Bourgogne et les vins de Loire sont concernés », détaille Benoît Ribeiro. Celui-ci remarque ainsi que de nombreuses denrées sont touchées, à l'image du café et des softs, dont les prix ont augmenté de 3 %. « Le pire concerne la marchandise comme le canard. Chaque année, nous commercialisons plusieurs dizaines de milliers de confits et nous sommes actuellement confrontés à une pénurie, et des prix en croissance de 10 %. Nous avons supprimé le canard de certaines cartes pour le réserver aux bouillons Chartier. Concernant la viande de bœuf, la hausse est à deux chiffres et les fruits de mer atteignent même + 20 % », ajoute-t-il.

Chez Chartier, où le ticket moyen gravite autour des 20 €, le groupe Joulie n'a pas souhaité augmenter ses prix et préfère rogner sur sa marge, alors que la hausse des coûts des matières représente deux points de chiffre d'affaires. Mais pour les brasseries ou les établissements de prestige que représentent Wepler, Les Grandes Marches ou le Congrès d'Auteuil, l'augmentation des prix sera limitée et progressive (1 à 2 €) et ne touchera que certains plats. « Nous ne transigeons pas pour autant sur la quantité et la quantité », martèle Benoît Ribeiro.

Du côté de l'énergie et des loyers, là encore la situation est délicate : « Les loyers affichent une hausse exponentielle, tandis que le coût de l'électricité, qui est de 1 M€ par an en temps normal au sein du groupe, explose et devrait représenter 500 000 € supplémentaires. À cela s'ajoute le remboursement à venir des PGE et vous obtenez une équation à dix inconnues. »

Les trésoreries sont soumises à rude épreuve, pour autant, il faut faire attention à une hausse démesurée des additions. CHD Expert met en garde. Il ne convient pas d'augmenter les tarifications « en une forte hausse d'un coup », mais plutôt « en plusieurs petites hausses » . Surtout, Nicolas Nouchi invite les professionnels du CHR à anticiper l'inflation de l'addition afin de « définir un prix acceptable pour demain ». Cet expert propose par ailleurs d'identifier « quels produits sont les plus vendus aux côtés de quels produits » et donc d'augmenter les prix d'un seul des produits en question pour ne pas matraquer le client.

Toujours est-il que si la grande majorité des professionnels ont choisi de répercuter les coûts sur le client, d'autres préfèrent s'abstenir. « Je ne peux pas me permettre d'augmenter car cela pourrait faire fuir les clients, je préfère compresser ma marge », assure ainsi un restaurateur installé non loin du quartier des Grands Boulevards, à Paris.